Je pense souvent à mes amies artistes qui refusent de sacrifier leur art pour vivre une vie matérielle plus facile. Celles qui suivent ce chemin exigeant et solitaire contre vents et marées, celles qui ne veulent pas en démordre. Le mot courage me vient alors à l’esprit, qui n’exclut pas la peur à dompter suffisamment pour ne pas renoncer. Je pense à mes amies artistes car elles doivent la plupart du temps avoir de la volonté pour davantage que leur propre personne, pour leurs enfants, notamment. Bien sûr, le courage n’a pas de genre, j’ai des amis artistes qui en font également preuve au quotidien.
Puisqu’il est question de cœur dans ses divers aspects, je tiens aujourd’hui à vous présenter une gracieuse trinité d’amies artistes, modèles de ténacité inspirée et inspirante.
(c) 2021 : Geneviève Baudoin
***Geneviève Baudoin est diplômée de l’Académie Charpentier et des Arts Décoratifs de la rue d’Ulm, mère de deux enfants et grand-mère de six, compagne enjouée et amie enthousiaste. La couleur est son royaume depuis près de 60 ans, qui jamais ne l’a trahie. Elle connait les flux et reflux de la vie d’artiste autant que ceux des eaux entre Belgique et Fontainebleau où, avec enfants et époux, elle a fini par amarrer sa péniche de marinier. Son embarcation baptisée Amour donnait lieu à d’improbables scènes de badauds criant « Amour ! » sur son passage. La vie de peintre est comme la batellerie, particulière.
« C’est le chemin qui m’intéresse, le faire. Pas besoin d’avoir étudié, on reçoit directement, j’en suis toujours émerveillée. Si une peinture résonne juste en moi, alors elle vibre pour autrui. Parce qu’elle est vivante. «
D’où tient-elle cette force de création ? Des fleurs. Et cela n’a rien de mièvre.
« Les fleurs sont mes maitres. », explique-t-elle.
Elles ont pour Geneviève la puissance du miracle, même fanées.
« Les fleurs concentrent les couleurs d’une façon incroyablement puissante, mais elles se méritent. Au moindre changement de lumière, elles refusent de se donner. Il faut être délicate avec elles. Surtout celles qui ont le col souple et qui se tournent vers la lumière. Particulièrement les anémones, que j’appelle mes petites danseuses ».
C’est à une disciple des fleurs que je dois cette référence à la rage : quand je parle courage à Geneviève, elle me répond rage. Ses toiles sont douces, mais n’ont rien de tiède.
***Clara Breuil a de multiples talents. Plasticienne, auteure, elle a d’abord été danseuse, puis comédienne-chanteuse. Inconstante ? Non, bien sûr que non, c’est tout le contraire. Clara est la constance incarnée. Elle est simplement mue par une persévérance et une détermination à explorer sa propre vie par le prisme sans fin de l’art. Si elle sort des cadres, ce n’est ni par refus, ni par bravade, c’est par pure vitalité. Perpétuelle exploratrice, Clara est incapable de faire taire son cœur qui bat si fort. Et, oui, c’est parfois compliqué, pourquoi nier que ce genre de sensibilité ne fait pas d’une vie, un long fleuve tranquille ?
Je me souviens lui avoir appris que Breuil signifie ruisseau, elle y a reconnu une évidente correspondance avec la vibration de sa personne. Clara Breuil, ruisseau clair qui vit et se bat, qui a les pieds sur terre pour mener sa barque. La clarté, forme de courage.
Clara n’a aucune lâcheté devant la fragilité, devant l’épreuve, devant sommets et abîmes du cœur amoureux ou artistique.
« La vie est escarpée
Mais c’est avec des escarpins
Que je l’arpenterai. »
La légèreté de Clara n’est pas inconsistance, c’est la plus belle des politesses à la vie. La gaieté est une forme délicate du courage.
(c) 2021 : Clara Breuil
***Katia Baron peint comme elle respire, presque sans y penser, sauf que… sauf que cela a été une décision. Katia était vierge de peinture, elle a changé de vie, de ville, d’emploi. Elle n’a pas eu peur, portée par l’évidence. Sa détermination, sa sérénité par rapport à cette révolution l’étonnaient elle-même. Elle a dû affronter remarques acerbes et ricanements car, autour d’elle, la plupart des gens n’y voyaient que lubie irresponsable. Or c’était l’exact contraire : l’honnêteté envers soi-même est une véritable responsabilité. Un risque aussi.
Rien à voir avec les hormones, Dieu merci, épargnons-nous cette pénible réflexion. Katia a ressenti la nécessité d’une autre vie à réaliser, elle a eu le courage d’engager tout son être dans cet acte.
« Aujourd’hui encore, je ne regrette rien, je suis vivante, jouisseuse des moindres découvertes que mon travail me donne.
Peindre n’est pas un don, c’est un travail de tous les jours. Ce sont des tubes éventrés, des pinceaux salis, des tabliers usés, des feuilles gommées, des nuits, des jours et des nuits…
Ma thématique picturale était évidente, la femme dans sa nudité, sa sincérité, sa sensualité de femme. Je me veux provocatrice, je me veux sur le fil, en équilibre, je me déshabille, me fiche des puristes, des académiques. Je m’affranchis des codes. J’ai toujours eu la conviction qu’une ombre me suivait, mon ombre artistique.
Une ombre tout en couleur »
(c) 2021 : Katia Baron
Ces trois grâces ont en commun une gravité légère qui les honore et nourrit les amitiés sincères.
Que leur force extra ordinaire s’exprime avec l’ardeur du feu ou la bienveillance de la tendresse, la plupart des femmes que je connais mettent leur vitalité à déplacer des montagnes. En art ou dans d’autres domaines. Le courage n’est pas forcément spectacle de grand jour.
Ce qui me réveille en pleine nuit pour écrire, ce n’est pas le courage, c’est la rage. C’est Geneviève Baudoin, qui a raison. Les sœurs en création sont constellation.
merci pour elles.
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magnifique ! le regard que tu poses sur leur oeuvre et sur elles … le bonheur de voir l’amour de la peinture et l’amour des êtres chers s’ébattre dans le même hommage …
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Je découvre ton œil et tes mots sur ces artistes et j aime comme tu cisailles les portraits dans les bosquets de mots. C est beau et agréable a lire. Avec toi on les decouvre et on les aime…
Merci pour elle, pour nous!
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Merci 1000 et 1 fois Marianne !
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