Voici un article, publié dans le Magasine Sexualités Humaines n°34 par Agnès Verroust
« Parties communes »
Ce roman a éveillé chez moi des réminiscences cinématographiques : certains se souviendront peut-être d’Escalier C, de Jean-Charles Tacchella, avec Robin Renucci et Jean-Pierre Bacri (1985).
Parties communes, d’Anne Vassivière, nous fait assister à la vie des habitants d’un immeuble haussmannien, dont la façade est en ravalement. En pensant à ce roman, c’est le mot ‘ entropie » qui m’est venu à l’esprit. Derrière l’échafaudage, l’ordre règne sous la houlette de la très convenable Nadège Duderval, la propriétaire. Les secrets restent bien gardés, les frustrations couvent, et l’on prépare la fête des voisins. Quand le désir s’en mêle, les certitudes s’effondrent, les couples se défont, et de multiples combinaisons verront le jour entre les personnages. Le secret du quatrième étage sera dévoilé, et triomphera l’amour. Un nouvel ordre s’établira, pour le bonheur de tous, ou presque…
Parties communes est un roman érotique écrit pour les femmes, avec des situations et des mots crus, des scènes pornographiques. Si « le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier », c’est qu’on n’a pas monté ces escaliers-là ! Les locataires s’y croisent et s’y emmêlent, multipliant les possibles. Le sexe y est parfois graveleux, parfois magique, parfois raté, parfois savant, parfois gourmand. Le lecteur trouvera de jolies inventions de langage : « du passé, il me table rase » ; « je l’y millefeuillette, elle m’y croquenbouche ».
Chaque personnage raconte à la première personne, avec son propre style, son vocabulaire, son point de vue. Certes, ils sont un peu caricaturaux : Nadège Duderval la coincée, son fétichiste de mari tout autant, le très macho Jean-Do, Carole experte en simulation, Ben le misanthrope, le Jeune Homme du cinquième dans le rôle de l’Amoureux, Michèle et Catherine, les sœurs ennemies…C’est d’ailleurs un des intérêts de ce roman, de dire les choses du sexe de plusieurs façons, poétique ou vulgaire, précise, obscène, selon les protagonistes.
Et puis, mine de rien, ce roman parle aussi de l’échec de la communication dans les couples, des femmes qui n’osent rien dire et des hommes qui n’écoutent qu’eux-mêmes (mais ça pourrait aussi être le contraire), de l’amour du sexe et du sexe sans amour ; de la découverte de l’autre et de soi-même, bref, de toutes ces choses dont parlent les femmes entre elles.