C’était le 28 septembre 2025 à la Maison de la Poésie pour La journée mondiale pour le droit à l’avortement, mais bien sûr, l’histoire commence longtemps avant. Et ne cesse pas depuis.
Pour l’organisatrice de l’événement, Mariana Otero, l’histoire commence lorsque son père la convoque dans le salon de la maison familiale avec sa grande sœur Isabel. Il révèle à ses filles que leur mère prétendument morte d’une péritonite 25 ans auparavant, en 1968, a été en fait victime d’un avortement clandestin. Qu’elle en est décédée. Elle s’appelait Clotilde Vautier, peintre de grand talent, déjà mère de 2 enfants à 28 ans, elle ne voulait pas d’un 3ème afin de pouvoir poursuivre sa carrière artistique librement.
Morte de vouloir être libre, donc.
Commence alors pour Mariana une recherche où elle découvre que des milliers de femmes périrent de la même manière avant la loi Veil en 1975.
Elle en fait un film documentaire en 2003 ( Histoire d’un secret) qui, vu par Nancy Huston présente dimanche, inspire à cette dernière une tribune poignante dans Le Monde.
En conclusion de cette tribune il y a 22 ans, Nancy Huston demande la création d’un monument en hommage aux femmes mortes d’avortement clandestin avant la loi Veil.
Les politiques ne s’en emparent pas à l’époque.
Depuis, l’association Aux Avortées inconnues a vu le jour. Avec Le planning familial, Choisir la cause des femmes et La fondation des femmes, elle s’est associée à Mariana Otero pour relancer l’idée de ce monument. Les élues Hélène Bidard et Laurence Patrice ont porté ce vœu mémoriel au Conseil de la ville de Paris. Première étape importante. Puisse la prochaine mandature le respecter et le réaliser…
Une histoire commencée il y a longtemps et qui n’a pas cessé depuis puisqu’une femme meurt toutes les 9 minutes dans le monde suite à un avortement clandestin.
Combien de décès et combien de suicides de désespérées ?
En France, les attaques sur le financement du Planning familial, la montée de l’extrême droite et le danger de la désinformation nous rappellent que les femmes sont toujours en première ligne lorsque les droits fondamentaux sont attaqués.
En matière de droit à un avortement respectueux de la sécurité et de la dignité, la Suède, Les Pays-Bas, la Finlande et la France sont les plus avancés. Les pires étant Malte, la Slovaquie et la Pologne où Isabella s’est vue refuser de retirer le fœtus mal formé qu’elle portait. Les autorités ont décidé d’attendre que le fœtus meurt dans son ventre pour l’extraire. Imaginez un instant le traumatisme de devoir porter un enfant non viable, d’attendre qu’il meurt. Isabella est décédée d’une septicémie. Elle avait 28 ans et était déjà mère.
Après un cas similaire en Irlande, la population est descendue en masse dans la rue, poussant le gouvernement à organiser un référendum et à modifier la loi.
Reprenons l’histoire : fin 2020, disparition de Gisèle Halimi à laquelle le docteur Paul Milliez avait confié de grandes enveloppes de 50 lettres datant des années 70 où femmes, filles, mères, pères de jeunes enceintes, professionnel·les de santé le suppliaient de les aider à avorter. Médecin catholique, il avait exprimé son soutien au droit à l’avortement.
Les Editions Libertalia ont publié ces lettres dans un ouvrage contre l’oubli.
Dimanche 28 septembre à la Maison de la Poésie, 17 acteurices dont Anne Alvaro, Clotilde Hesme et Estelle Meyer ( membre de Les Braqueuses ) nous ont lu quelques-unes de ces lettres, accompagnées d’une jeune musicienne. C’est peu dire que le public a été saisi par leur contenu…
Le mot de la fin revenait à Annie Ernaux, présente elle aussi, rappelant que ces morts étaient une sorte de féminicide. Que l’on parlait là d’un droit imprescriptible. Qu’il s’agissait d’un défaut de l’histoire à réparer.
Un monument aux Avortées inconnues pour que honte et mensonge ne souillent plus ces histoires oubliées. Pour dire aussi que ces femmes anonymes étaient des combattantes de la liberté.













