Métier : libraire

Une librairie c’est avant tout un libraire. Une, en l’occurrence, Margot Bonvallet, libraire du tiers-lieu Les Vinzelles à Volvic près de Clermont-Ferrand.

On entre dans les lieux comme on pénétrerait chez quelqu’un car il s’agit d’une maison dont la porte ne s’offre qu’après avoir gravi un charmant escalier tout rond comme elle. Depuis la cour, fleurs et verdure donnent le ton d’un endroit calme et clair. Serein. Car la fréquentation de la nature, celle des vieilles pierres et des livres, tour à tour cultive l’introspection et en allège la dureté. Margot en fait une fréquentation assidue. Ou plutôt, ce sont eux, nature, pierres et livres, qui recherchent sa compagnie. Et on les comprend : petit chignon posé bas sur une nuque solide, trois petites pinces le maintenant sans le contraindre vraiment, l’air de rien, vagues discrètes noires de jais encadrant un sourire taquin, joues pleines de malice, silhouette d’éternelle jeune femme et nature joueuse. Voix douce au verbe précis, qui n’hésite jamais. Un être brillant qui n’écrase pas autrui mais le met en valeur. Dans le timbre de sa voix, toute la consistance de sa chair et des mots qu’elle choisit minutieusement pour servir ceux des autres. Le mot juste et le cœur juste. Sa vraie/fausse légèreté est une politesse. Et bien sûr ses pirouettes et ses traits d’humour, sa voix qui monte alors haut pour nous réveiller l’enfance. Un réel appétit qui vibre en elle.

C’est peut-être parce qu’elle porte des lunettes rondes de libellule que Margot est à ce point ouverte sur le monde pour en appréhender toutes les facettes imaginables. Et, surtout, inimaginables.

La clientèle (j’ai failli dire « patientèle ») va aux Vinzelles autant pour elle que pour les livres qu’elle y trouve, car si la libraire est heureuse, la librairie le sera. Et nous serons aux anges.

J’aime les libraires, je dois le confesser. Je me souviens avec émoi de la librairie Rome de mes années étudiantes à Clermont-Ferrand, en mémoire de laquelle j’ai écrit le petit texte ci-dessous*. C’est également la forte amitié que je nourris pour Frédéric et Maxime, libraires de La Musardine que j’ai en grande partie écrit mon dernier roman publié dans cette maison d’édition qui m’est chère. (122, rue du chemin vert, Anne Vassivière. Éditions La Musardine, 2022)

Jeudi 27 juillet, Margot Bonvallet présentait aux Vinzelles le dernier roman né des éditions Livres Agités, jeune maison indépendante, enthousiaste et engagée dédiée aux primo -romancières et représentée ce soir-là par une de ses fondatrices, Jeanne Thiriet. L’autrice Juliette Garrigue, la libraire et l’éditrice nous ont parlé de Matria, drame ensorcelant et roman philosophique délibérément utopique. J’en ai commencé la lecture, il est surprenant.

* Quand je rentre dans une librairie que je ne connais pas encore, mon appétit est plus que neuf, il est renouvelé, j’ai la certitude que je vais trouver des ouvrages qu’il n’y a nulle part ailleurs. C’est un espace étrange, mais jamais étranger.
Il en est de même pour les librairies qui furent mais ne sont plus. Elles demeurent dans nos esprits, espaces revenants et pages spectres qui ne peuvent pas mourir.

Ma librairie fantôme est celle qui nichait au pied de la cathédrale de Clermont-Ferrand en haut de la rue des Gras, perspective de lave reliant la flèche de la cathédrale à celle du sommet du Puy-De-Dôme.
La librairie Rome.
Une petite librairie avec un grand cœur.
Je m’y rends quand je voyage en aventures étudiantes passées. Elle n’a jamais fermé que dans la réalité. Autant dire qu’elle existe maintenant plus sûrement que jamais.
Jean Rome était déjà hors du temps, pourquoi le serait-il maintenant moins ou davantage qu’avant ?
Graine d’ananar, très cultivé, libre d’esprit, c’était un passeur, un éveilleur.
Quand on entrait dans sa boutique, il levait le nez de son livre, il nous reconnaissait sans rien dire, on se mettait à farfouiller et tout à coup on entendait : « J’ai quelque chose pour vous. »
On repartait avec le recueil qu’on espérait sans le savoir. *

Un commentaire

  1. Avatar de belkhodja belkhodja dit :

    superbe texte !

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